L’inondation de l’Arbresle, les 1er et 2 novembre 2008, a été terrible : des hauteurs d’eau supérieures à deux mètres dans les zones les plus touchées ; des rues qui n’étaient pas classées en zone à risque et qui se sont retrouvées inondées. Des habitants réveillés par les eaux, bloqués, traumatisés. Des dizaines d’habitations rendues inhabitables plusieurs mois durant. Une crèche dévastée, des entreprises au chômage technique, une centaine de voitures parties à l’eau…
De mémoire d’homme, on n’avait jamais vu ça. Et pour une fois c’était vrai ! Ni la crue de 2003, ni celle de 1983 n’avaient atteint de tels niveaux. Au 19è siècle non plus d’ailleurs, alors que neuf crues marquantes sont recensées dans les archives. Quant à celle de 1715, difficile de comparer, tant la situation climatique, géomorphologique, urbanistique et socio-économique était différente.
Les causes de la catastrophe sont nombreuses et s’enchevêtrent probablement entre elles. Trois épisodes de pluies généralisées sur l’ensemble du bassin versant en un seul mois… mais aussi quelques mauvais choix dans l’aménagement des cours d’eau réalisé après la crue de 1983, des ponts sous-dimensionnés, quelques maisons construites un peu trop près de la rivière… Difficile de montrer du doigt un seul de ces éléments. Difficile de nier la part du rôle de l’homme dans la catastrophe.
L’inondation de l’Arbresle en 2008 a le mérite de nous rappeler que la crue de référence contre laquelle la société a décidé de se protéger, ici la crue centennale, peut toujours être dépassée. Lorsqu'on vit en zone inondable, il est nécessaire de garder à l'esprit que si l'on nous annonce 30 cm d'eau, ce sera peut-être un jour 60 ou 80... Cela est d’autant plus vrai et nécessaire que le calcul de cette crue de référence reste entaché d’incertitude, en l’absence de données fiables sur la pluie qui tombe ou sur les crues passées. La crue de la rivière Brévenne à l'Arbresle en 2008 a ainsi été considérée comme une crue de fréquence de retour 500 ans juste après l’événement. Puis elle a été ramenée à 170 ans, pour être considérée aujourd’hui proche de la crue centennale (100 ans). Or, c’est cette même crue centennale qui avait servi à l’élaboration des premières cartes de risque qui prévoyaient des enveloppes de zones inondables et des hauteurs d’eau moins importantes. Difficile pour un habitant de s'y retrouver, et pourtant, cette incertitude est inhérente à la question du risque.
On ne devrait pas aujourd’hui, s’installer en zone inondable sans avoir ces éléments à l’esprit. Sans comprendre l’ensemble de cette problématique et chaque élément qui la forge. Cela demande cependant du temps. De discuter, de confronter les points de vue. De regarder le terrain, la rivière, les habitations qui la bordent. D’imaginer l'impensable, l'inimaginable, ce à quoi on n'aurait même pas songer dans ses extrapolations les plus folles. Mais c’est à ce prix que l’on peut faire le choix, en toute connaissance de cause, d’habiter ou non en zone inondable.
"Il y a quelques jours tomba une pluie si abondante, et cela pendant trois heures seulement que la force des eaux emporta le pont de Dorieux, et plus près de nous une grande partie des maisons de l’Arbresle. Que dirais-je de plus ? Représentez-vous le déluge universel. (…) Les maisons étaient entourées par l’inondation. Essayer d’en sortir était impossible. Ces malheureux gagnèrent donc les toits comme ils purent. De toutes les parties de la ville on entendait de grands cris qui appelaient au secours. Chacun sentait que son dernier jour était arrivé, ce qui fut, hélas la réalité pour un grand nombre. Il y eut 200 victimes, si bien qu’on appela désormais le quartier Saint Julien le quartier des martyrs".
(Notes du curé de l’Arbresle sur l’inondation de 1715).
Comment et pourquoi s'installe-t-on en zone inondable ? A partir de quelles informations ? Sont-elles suffisantes ? Permettent-elles d'apprécier le risque de manière "juste" ? Et est-ce possible d'ailleurs ? Vaste sujet sur lequel l'expérience des uns devrait pouvoir servir aux autres.
L'inondation est un traumatisme, nous n'aurons de cesse de le rappeler. A l'Arbresle, certains ont fait le choix de partir après la crue de 2008. Impossible pour eux de continuer à vivre au même endroit. D'autres sont restés parce qu'ils n'avaient pas les moyens de partir. D'autres ont fait le choix de rester en sécurisant au mieux leur habitation.
Les travaux sur les rivières Brévenne et Turdine réalisés après la crue de 1983 (digues et merlons de terre...) n'ont pas été satisfaisants et n'ont pas empêché les crues suivantes (2000, 2003 et 2008). Aujourd'hui, le SYRIBT travaille, dans le cadre du Contrat de rivières et du PAPI, à des aménagements plus proches du fonctionnement "naturel" des rivières (restauration de zones d'expansion de crue...). C'est la tendance générale en France pour lutter contre les inondations de ce type de cours d'eau.
Les repères de crue, sortes de macarons apposés sur les façades des bâtiments, témoignent du plus haut niveau atteint par les eaux lors d’une inondation. Imposés au maire par l'article L563-3 du code l'environnement, ils sont un outil essentiel pour entretenir la mémoire des crues passées et la conscience du risque d’inondation. Le SYRIBT a travaillé après la crue de 2008 à l'inventaire et à la pose des repères de crue sur l'ensemble du bassin versant Brévenne-Turdine.
Le réseau "sentinelles" est un réseau humain d’alerte mis en place en 2011 par le Syndicat de Rivières Brévenne Turdine (SYRIBT) grâce à la grande motivation des riverains des cours d’eau. Il est basé sur la solidarité entre l’amont et l’aval du bassin versant grâce au travail d'environ 120 riverains volontaires qui surveillent la montée des eaux et qui, lorsque le niveau de vigilance ou d’alerte est atteint, contactent leur élu référent qui transmet alors le message dans les communes situées en aval de façon à les prévenir.
La Plan Communal de Sauvegarde de la commune de l'Arbresle venait d'être finalisé avant la crue de 2008. Il a donc été testé "en vrai" et pour la première fois par la crue historique des 1er et 2 novembre. De nombreuses améliorations ont été apportées au document. L'information préventive, au travers du DICRIM notamment, a largement été renforcée.